T EXTE ⏬👇⏬

jeudi 10 février 2022

Dante - Divine Comedie (P-A Fiorentino) - Purgatoire - 11-33

LE PURGATOIRE.

CHANT XI.

— Ô notre Père qui es dans les cieux, non que tu y sois enfermé mais à cause du plus grand amour que tu portes aux premiers êtres delà-haut, que ton nom et ton pouvoir soient loués de toute créature comme il convient de rendre grâce à ton amour sublime. Que la paix de ton règne nous arrive car avec tous nos efforts nous ne pouvons pas aller à elle si elle ne vient pas à nous. Comme les anges te font le sacrifice de leur volonté en chantant hosanna, que les hommes te fassent aussi le sacrifice de la leur. Donne-nous aujourd'hui la manne quotidienne sans laquelle au milieu de cet âpre désert recule toujours celui qui s'efforce le plus d'avancer. Et comme nous pardonnons à chacun le mal que nous avons souffert, toi aussi pardonne-nous, sois bon et ne regarde pas à nos mérites. Notre courage qui se laisse abattre pour peu, ne le mets pas aux prises avec l'antique adversaire mais délivre-nous de lui qui nous presse si fort. Cette dernière prière, Seigneur chéri, nous ne la faisons pas pour nous car nous n'en avons pas besoin mais pour ceux qui sont restés après nous.

Demandant ainsi bonne chance pour elles et pour nous, ces ombres marchaient sous un faix semblable à ceux que l'on voit en rêve, inégalement accablées et tout autour, harassées de fatigue, sur la première corniche pour se purifier des souillures du monde. Si dans ce lieu ces âmes prient ainsi pour nous, que doivent donc dire et faire ici pour elles ceux dont la volonté a de bonnes racines? JI faut bien les aider à laver les taches qu'elles emportèrent du monde afin que pures et légères, elles puissent monter aux sphères étoilées.

            — Hélas! que la justice et la pitié vous soulagent bientôt pour que vous puissiez déployer l'aile qui vous enlève selon votre désir ! Montrez-nous de quel côté on va plus vite vers la montée, et s'il y a plus d'un passage, montrez-nous celui qui est le moins escarpé. Celui qui vient avec moi, à cause du fardeau de la chair d'Adam dont il est revêtu, est lent à gravir malgré sa volonté.

            Les paroles que ces âmes répondirent à celles que mon guide leur avait adressées nous arrivaient nous ne savions de qui. Mais il nous fut dit: — Venez à main droite avec nous sur le bord et. vous trouverez un passage qu'upe personne vivante peut franchir. Et si je n'étais accablé du rocher qui dompte ma tête superbe et me fait porter la visage baissé vers la terre, je regarderais celui-ci qui vit et qui ne se nomme pas pour voir si je ne le connais poin et pour l'apitoyer sur ce fardeau.

                        Je fus Latin, né d'un Toscan illustre. Guillaume Aldobrandeschi (1) fut mon père. J'ignore si son nom parvint jamais jusqu'à vous. L'antique noblesse et les hauts faits de mes ancêtres me rendirent si arrogant que j'oubliai la commune mère et j'eus tout homme en tel mépris que j'en mourus, comme le savent les Siennois et comme le sait le dernier habitant de Cam pagnatico. Je suis Humbert, et l'orgueil ne m'a point perdu seul mais il a entraîné toute ma famille dans le malheur. Et il est nécessaire que je porte ici ce fardeau jusqu'à ce que Dieu soit satisfait. Puisque je ne l'ai pas fait vivant, il faut que je le fasse parmi les morts.

            En l'écoutant, j'inclinai mon visage et une des âmes, mais non celle qui parlait, se tourna sous le fardeau dont elle était accablée. Elle me vit, me reconnut et m'appelait en tenant avec peine ses yeux fixés sur moi qui marchais tout courbé avec elles. — Oh! lui dis-je, n'es-lu pas Oderisi (2), l'honneur d'Agobbio et l'honneur de cet art qu'on appelle à Paris enluminer?

            — Frère, répondit-il, les parchemins que peint Franco Bolognese sourient aujourd'hui davantage. L'honneur est tout à lui maintenant et il m'en reste à peine. Je n'aurais pas été si loyal pendant que je vivais à cause du grand désir de supériorité auquel mon cœur s'était pris. On porte ici la peine de cet orgueil,et je ne serais même pas en ce lieu, s'il n'était que, pouvant pécher encore, je me tournai vers Dieu. — Ô vaine gloire du pouvoir humain, comme la verdure passe vite sur ta cime si elle n'est pas fortifiée par une longue suite d'années! Cimabué crut rester maître du champ de la peinture et maintenant c'est Giotto qui a la vogue et il efface la renommée du premier. C'est ainsi que l'un des Guido a ôté à l'autre la gloire de la langue et peut-être en est-il né un troisième qui les détrônera tous les deux.

            Le bruit du monde n'est autre chose qu'un souffle du vent qui vient maintenant d'ici, maintenant de là et qui change de nom parce qu'il change de côté. Quelle plus grande renommée auras-tu donc si ta chair se détache vieillie de toi, que si tu étais mort en bégayant les premiers mots de l'enfance avant que mille ans se soient écoulés? temps plus court auprès de l'éternité qu'un mouvement de sourcil en comparaison de la sphère !a .plus lente qui tourne dans le ciel.

            Celui qui occupe si peu de place sur le chemin devant moi remplit de son nom toute la Toscane et maintenant c'est tout au plus s'il s'en dit quelques mots à Sienne dont il était seigneur lorsqu'elle fut détruite par la rage de Florence qui était alors aussi orgueilleuse qu'elle est prostituée maintenant.

            Votre renommée est comme la couleur de l'herbe qui naît et qui s'éteint et celui qui la fane est le même qui la fait sortir encore tendre de la terre. Et je lui dis: — Ta parole vraie m'inspire une humilité salutaire et tu fais tomber mon orgueil mais quel est celui dont tu parlais tout à l'heure?

            — C'est, répondit-il, Provenzano Salvani (3), et il se trouve ici parce qu'il eut la présomption d'attirer dans ses mains tout le pouvoir de Sienne. Il a marché ainsi et il marche toujours sans repos depuis qu'il est mort. Voilà de quelle monnaie paie sa faute celui qui a été trop orgueilleux sur la terre.

            Et moi: — Si l'âme qui attend pour se repentir qu'elle ait touché le bord de la vie demeure là-bas et ne monte pas ici à moins qu'une bonne prière ne l'aide avant qu'elle ait passé un temps égal à la durée de sa vie. Comment l'entrée de ce lieu lui a-t-elle été accordée ? — Lorsqu'il était dans sa plus grande gloire, dit-il, un jour, de son propre mouvement, il s'arrêta au milieu de la place de Sienne ayant déposé toute fausse honte, et là pour tirer son ami de la peine qu'il souffrait dans la prison de Charles, il alla jusqu'à frissonner de tous ses membres. Je n'en dirai pas davantage et je sais que mes paroles sont obscures mais il se passera peu de temps d'ici à ce que tes voisins t'aident à les comprendre. Cette bonne œuvre a fait tomber la barrière devant lui.

-

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Translate

Rechercher dans ce blog